Douces ténèbres

La nuit, comme le silence, n’est jamais totale. Parce qu’ils sont vivants, ils ne peuvent être absolus. Seule la mort se montre aussi catégorique. L’obscurité se livre à qui sait la pénétrer. On s’y enfonce aveugle, puis on distingue peu à peu les contours de la vie. Ainsi , la nuit sur Ixe est loin d’être totale.

C’est un baume, attendu fiévreusement sous les trois implacables soleils, un doux dictame de fraîcheur. Les plantes ont délié leurs membres, elles les étirent encore dans un bâillement de plaisir. Les cactacées gorgées de chaleur offrent leurs feuilles charnues, lèvres assoiffées de rosée, à la caresse nocturne. Les fleurs blanches, jaunes et d’or, infiniment petites, luisent comme de minuscules lucioles, appelant de leurs effluves les insectes et les oiseaux de l’ombre. C’est le temps des échanges, de l’humble commerce de la vie, de la complicité des espèces noctambules.

On discerne ces formes. On les sent vibrer, et sucer chaque goutte de nuit. On peut entendre l’eau croupissante frémir, et si l’on sait attendre, le vol de chasse des grands nocturnes, le hennissement lointain d’un hipparion qui se désaltère...

Les résines coulent silencieuses en lourdes larmes de cuivre.

La nuit guérit les blessures d’une clarté trop vive.